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Un brouillon d’accord : quèsaco ?

A huit semaines de la COP21, un nouveau texte de négociation est sur la table. Il était temps car jusqu’à maintenant le texte de 66 pages ne permettait pas de rentrer dans le dur des négociations, faute de lisibilité et d’options clairement identifiées.
Nous attendions du texte qu’il pose enfin les bases de l’accord de Paris et qu’il dessine les mécanismes et fonctions vitales internationales dont la planète a besoin pour enclencher et accélérer la transition énergétique mondiale afin de stabiliser le réchauffement climatique bien en deçà de 2°C. Parmi ces fonctions vitales, nous défendons :

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Il dit quoi ce brouillon?

Le texte proposé par les présidents du processus onusien fait désormais 20 pages. On constate donc une avancée sur la forme : plus court, plus lisible, l’outil est plus facile à manier et permettra de faire avancer les négociations, de rentrer dans le dur des sujets. Il prend enfin la forme d’un brouillon d’accord international. Mais pour avancer dans le bon ou le mauvais sens ?

Globalement, le texte manque de vision et de mécaniques permettant de relever automatiquement l’ambition des pays et l’ambition partagée. Par ailleurs, il ne contient pas les principes fondamentaux que nous souhaiterions y voir : une transition énergétique mondiale dans laquelle justice sociale et droits humains seraient au premier plan, qui garantirait la sécurité et la souveraineté alimentaire. Ces principes fondamentaux sont absents du texte de l’accord.

Si certains ingrédients importants sont la, ils ne sont pas assemblés correctement. Il manque les rouages pour parler de “mécanismes”, tant sur la solidarité financière que sur la relève systématique et quinquennale des engagements/contributions des États. Il n’est écrit nulle part que les pays devront s’engager financièrement à mobiliser des financements publics pour appuyer les pays les plus démunis, et on continue de vouloir compter et compter sur des financements privés pour les « aider ». Il n’est pas clairement écrit non plus qu’on devra relever les objectifs des actuels que se fixent les pays avant l’entrée en vigueur de l’accord – alors que c’est indispensable au regard du niveau d’ambition actuel des pays qu’on ne peut pas se permettre de laisser tel quel pour les 10 ou 15 prochaines années.

Toute l’ambition de l’accord final se jouera dans le choix des verbes qui signalent ou pas la contrainte et accompagnent les mots clé: on court un gros risque, celui de signer un accord qui dit que les pays DEVRAIENT plutôt qu’un accord qui dit que les pays DEVRONT. Or, cela ne sert à rien de ratifier une coquille vide! Autant dire qu’on contraindrait à la non contrainte…

Il manque aussi carrément des ingrédients essentiels: les mots clé “énergies fossiles”, “énergies renouvelables” et « énergie » ont entièrement disparu du texte. On continue de vouloir régler la question climatique sans poser la question de nos choix énergétiques à la racine de la crise climatique.

Enfin, ce qui n’est pas clair c’est si oui ou non les pays envisagent de relever les objectifs fixés dans les contributions d’ici 2020. C’est pourtant fondamental de revisiter ces objectifs avant l’entrée en vigueur de l’accord car aujourd’hui, agrégées, ces contributions nous placent sur une trajectoire de +2,7°C à 3°C. Bien au-delà de ce que la planète peut endurer.

Et ensuite ?

Le texte n’a pas de statut pour l’instant donc les premières discussions à Bonn du 19 au 24 octobre vont surtout permettre de décider de si oui ou non ce texte est un brouillon acceptable de l’accord de Paris et si c’est bien sur ce texte qu’il faut travailler pour l’affiner jusqu’à son adoption le 11 décembre 2015. S’il ne l’est pas, c’est dramatique parce que cela signifie qu’on repart sur une version illisible de 66 pages (de Bonn en août) ou 80 pages (de Genève en février). Si le texte est accepté comme brouillon de l’accord de Paris, se pose alors une question fondamentale: sera-t-il question de le renforcer ou de l’affaiblir? Pour nous, ce brouillon ne peut être que le plancher et il y a encore beaucoup de travail à faire pour ancrer les principes fondateurs d’une transition énergétique réussie, rassembler et articuler les idées pour créer les mécanismes de l’ambition et de la solidarité dont on a besoin pour considérer que cet accord remplit ses fonctions a minima: poser les bases et les jalons pour renforcer systématiquement et souvent les engagements des États en matière d’atténuation et en matière de solidarité financière et ainsi soutenir et accélérer une transition énergétique mondiale.

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