(c) PETE SOUZA

Alors que la fin de la première semaine de négociations approche, un nouveau projet d’accord a été publié ce jeudi matin. Même s’il a été raccourci de quelques pages, les options qu’il contient sont toujours trop nombreuses, parfois peu claires, et les avancées insuffisantes au regard de la crise climatique. Les négociations sont lentes et certains messages essentiels sont absents du texte. Un clivage persiste entre les pays riches et les pays en développement. L’Union européenne est quant à elle absente de certaines discussions clés des négociations. Un autre texte devrait être publié demain.

Quoi de neuf du côté des négociations ?

Les négociations sont lentes. Dans les 48 heures qui restent avant que le projet d’accord ne soit transmis à la présidence française ainsi qu’aux ministres, les négociations techniques vont devoir changer de rythme. Laurent Fabius a lui-même exprimé sa préoccupation, tandis que les diplomates admettent être en retard. Les négociateurs doivent donc accélérer et avancer sur les éléments essentiels du futur accord mondial. Ils pourront ainsi transmettre un texte “propre” et clair à leurs ministres. Ces derniers pourront alors prendre des décisions fortes.

Cette lenteur empêche l’avancée de grandes questions. Par exemple, la question des pertes irréversibles liées aux changements climatiques n’est toujours pas clarifiée. Certains pays ont des positions radicalement opposées en la matière. Une discussion est en cours entre les Etats-Unis et les pays du G77 (coalition de 134 pays en développement) sur cette question. Que fait l’Union Européenne ? Elle demeure absente des discussions sur ce sujet et ne soutient ni les acteurs de la société civile ni les pays qui se saisissent de ce sujet.  

L’ancrage des principes fondamentaux de l’accord (comme la transition juste, le respect des droits humains et de la souveraineté alimentaire) est un autre exemple. Pour être plus qu’une allusion molle et sans effets, cette référence doit figurer non pas dans le préambule du texte mais dans le texte de l’accord lui-même, dans l’article 2, consacré aux objectifs de lutte contre les changements climatiques.

(c) PETE SOUZA

(c) PETE SOUZA

Les mots ont un sens

Dans ce genre d’accord, la place des mots et les mots utilisés ont toute leur importance. Quand Bill Gates fait une annonce parlant d’« énergie propre », il faut s’inquiéter de ne pas voir apparaître la mention « d’énergies renouvelables ». De la même façon, la partie du texte dédiée aux objectifs de long terme ne mentionne pas clairement le passage indispensable aux énergies renouvelables. Quand les discussions sur l’alimentation abordent la question de la « production alimentaire » plutôt que « sécurité alimentaire », il s’agit d’être vigilant sur ce que cela implique en matière de climat. Notamment lorsque l’on sait que l’influence d’entreprises de l’agro-industrie adeptes du greenwashing comme Monsanto peut être présente de façon diffuse au sein de la COP21. Un collectif d’ONG comportant entre autres Via Campesina a lancé ce jeudi un tribunal international pour juger Monsanto. Enfin, les mots de « décarboné » ou l’expression « climate neutral » ne portent rien de précis et beaucoup de pays en donnent des définitions différentes.  

Alors que des pays comme l’Arabie Saoudite bloquent les avancées (par exemple sur l’ancrage des principes fondamentaux dans l’accord), un clivage persiste entre les pays riches et les pays en développement. Pour rester dans les limites d’un réchauffement acceptable, les contributions nationales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre doivent être révisées régulièrement. Tant que les pays n’auront pas pris leurs propres responsabilités sur leurs propres contributions, beaucoup de pays développés n’accepteront pas la révision de leurs contributions avant 2020.

De plus, les progrès sur les financements climatiques Nord-Sud après 2020 sont insuffisants. Le texte publié ce matin montre un recul sur cette question alors que les versions précédentes étaient déjà très insuffisantes. Une raison supplémentaire pour les 134 pays en développement qui forment la coalition du G77 d’afficher leur mécontentement.

Les transports sous les projecteurs

Aujourd’hui, dans le cadre de l’Agenda des Solutions (plateforme de coopération visant à renforcer l’action des pays en faveur du climat) se tient une demi-journée consacrée aux transports.

Le secteur du transport est responsable d’environ un quart des émissions de CO2 liées à la production et la consommation d’énergie dans le monde et 27% des émissions de gaz à effet de serre de la France.

Pourtant, hier, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) et l’Organisation Maritime Internationale (OMI) recevaient le prix du “Fossile Du Jour” pour leur inaction devant la montée en flèche des émissions de gaz à effet de serre de leurs secteurs. La veille, l’Assemblée Nationale reculait sur l’indemnité kilométrique pour les salariés se déplaçant à vélo. Et le gouvernement réaffirme régulièrement son soutien au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Pas besoin de chercher plus loin pour comprendre pourquoi les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports continuent d’augmenter.

Des mythes persistent sur le transport aérien et minimisent son rôle dans les changements climatiques. En réalité, le transport aérien pèse autant sur le climat qu’un pays comme l’Allemagne. Nous devons faire plus pour sauver le train, et arrêter de sous estimer le potentiel du vélo.

Pour en savoir plus, notre analyse complète sur les transports et le climat :

 

 

Et en France ?

La France doit jouer son rôle en montrant l’exemple et en envoyant les bons signaux.

Car parallèlement à la COP21, Ségolène Royal fait appel aux industriels pour développer une voiture électrique et le gouvernement recule sur l’indemnité kilométrique vélo.

Nous attendons également la décision du gouvernement sur l’arrêt du projet climaticide de Notre-Dame-des-Landes. Une annonce à la COP serait un signal important en faveur de la fin des grands projets inutiles et nocifs pour l’environnement.

 

Les principales pièces du puzzle sont donc toujours éparpillées. Aujourd’hui, elles ne s’assemblent pas pour constituer un accord qui permet de lutter efficacement contre les changements climatiques. Elles ne permettent pas non plus de le faire de manière juste et solidaire, c’est-à-dire de soutenir les populations les plus vulnérables. Les négociateurs doivent désormais accélérer, et les pays en capacité de jouer le rôle de ponts entre des pays antagonistes doivent faciliter cette accélération. Les pays comme la France doivent participer en envoyant des signaux clairs, à l’échelon national comme à l’international.

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