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L’annonce du PDF d’EDF Jean-Bernard Levy dans le cadre de la stratégie  « CAP 2030 » de ne pas seulement prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires existants à 50 voir 60 ans mais aussi d’en construire 30 à 40 nouvelles tombe « à pic » juste devant la COP21 à Paris…

Au delà des risques considérables liés au nucléaire civil, des études montrent que le nucléaire, en dépit de ces faibles émissions par kWh, ne permet pas de lutter contre les changements climatiques. Il peut même bloquer le développement des énergies renouvelables et représente des coûts qui peuvent dépasser même ceux des énergies renouvelables.

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Le nucléaire ne permet pas de lutter contre les changements climatiques

Certes, les émissions d’un kWh nucléaire sont faibles (elles sont équivalentes de celles des énergies renouvelables) mais ceci ne suffit pas pour faire du nucléaire la solution dans la lutte contre les changements climatiques.

Plusieurs raisons s’y opposent :

1. Les risques qui sont indissociables du recours au nucléaire

La nature des risques associés au nucléaire en fait une option très singulière.

2. La prolifération, menace occultée, majeure et persistante

Historiquement, le premier risque associé au nucléaire civil est celui du détournement des matières qu’il utilise ou des technologies qu’il emploie à des fins militaires. Si les conséquences locales de l’emploi d’un explosif nucléaire seraient en soi désastreuses, un conflit généralisé pourrait même conduire à un « hiver nucléaire » fatal à l’humanité.

Un risque réévalué et croissant d’accident nucléaire

Les accidents nucléaires majeurs, dont la fréquence s’avère plus de 100 fois supérieure à la prévision, révèlent la fragilité des dispositions prises pour les éviter. Leurs conséquences sont très lourdes pour les populations et pour l’économie des pays concernés. De nombreux facteurs – vieillissement, pression économique, terrorisme… – contribuent à renforcer ce risque. Aussi, les impacts des changements climatiques (canicules, grands froids, inondations etc.) sont de nouvelles menaces pour le fonctionnement des réacteurs, pour lesquelles ils ne sont pas toujours bien dimensionnés. L’impact économique d’un accident majeur se compte en centaines de milliards d’euros[1]. Pourtant la responsabilité des exploitants nucléaires est limitée à 700 millions d’euros.

L’accumulation des déchets, matières et sites

L’exploitation de l’énergie nucléaire génère des déchets, dont les plus radioactifs ne font -nulle part dans le monde- l’objet d’une solution définitive de gestion. La France prévoit de stocker des déchets à grande profondeur : le projet Cigéo, très contesté, devrait coûter plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Entre temps, le stock mondial de déchets nucléaires a atteint 1,5 millions de tonnes en 2013[2] sans perspective de stockage de longue durée…

3. Le rôle limité de l’électricité nucléaire dans la consommation d’énergie globale

Le rôle du nucléaire dans la lutte contre les changements climatique est limité : premièrement, parce que l’électricité ne représente à l’échelle mondiale que 18% de l’énergie finale consommé ; deuxièmement, parce que le nucléaire représente seulement 10,8% de l’électricité produite, un pourcentage faible qui est en plus en déclin depuis 20 ans… Le champ d’action du nucléaire reste donc limité !

Au total, les émissions évitées par le nucléaire atteignent un peu moins de 4% des émissions de CO2. C’est 20 fois moins que les émission ajoutées au bilan mondial depuis le démarrage des premiers réacteurs.

4. Le « verrouillage » d’un système de production électrique très nucléarisé

L’analyse des scénarios énergétiques pour la France dans le cadre du débat national sur la transition énergétique a montré un lien étroit entre l’atteinte du « Facteur 4″ au niveau des émissions de gaz à effet de serre en 2050 et une division par deux de la consommation d’énergie finale. Les scénarios qui atteignent ces deux objectifs sont également ceux qui éliminent assez rapidement le nucléaire du mix électrique. Le développement des énergies renouvelables (pas uniquement électriques) est la clé pour le respect des objectifs climatiques. Le nucléaire, avec son fonctionnement « en base » (c’est-à-dire aussi continu que possible) et la structure hyper-centralisée du réseau électrique qu’il impose, entre rapidement en contradiction avec le développement de solutions flexibles sur la demande et de productions variables et décentralisées.

5. La non compétitivité du nucléaire par rapport aux renouvelables

Les réacteurs existants sont relativement compétitifs car leur investissement initial est largement amorti. Cette compétitivité s’érode cependant rapidement, sous l’effet de l’augmentation de leurs coûts de production (travaux nécessaires dus au vieillissement et augmentation du niveau de sureté des installations qui se chiffre à plusieurs milliards d’euros par réacteur) et des progrès constatés chez les énergies renouvelables. Le réacteur EPR, dont le coût de construction s’envole, produirait l’électricité autour de 90 à 110€/MWh, soit environ 30% plus cher que l’éolien terrestre standard.

Les deux EPR qui seront construits en Angleterre coûteront 7 fois plus cher que l’investissement dans une puissance équivalent d’éolienne terrestre – 10000 € le kW.[3]

Le kWh nucléaire pas cher est donc largement mis en question.

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EDF se moque de l’esprit de la loi « transition énergétique »

Au-delà de tous ces arguments qui montrent objectivement que le nucléaire n’a pas de place dans le panthéon des vraies solutions aux changement climatiques, il est choquant qu’EDF se moque si ouvertement de l’esprit de la loi sur la transition énergétique. Cette loi prévoit de ramener la production électrique nucléaire à 50% à l’horizon 2025. L’unique objectif qui apparaît dans les médias et qui est présenté comme un frein au développement du nucléaire est le plafonnement de la puissance maximum des réacteurs à 63MW, ce qui rend nécessaire la fermeture de Fessenheim pour pouvoir connecter la centrale de Flamanville au réseau.

Il est temps que le gouvernement français montre les limites à la « mégalomanie atomique » d’EDF !

Rôle limité du nucléaire dans les INDCs

Le rôle marginal du nucléaire dans la lutte contre les changements climatiques se montre clairement dans les contributions des pays à la COP21[4]. Ces contributions écrites, qui précisent les objectifs climatiques des pays, communiquées au secrétariat de la COP, considèrent assez rarement le nucléaire civile comme solution de réduction de gaz à effet de serre.

Seules les contributions de la Chine, de la Jordanie, de l’Argentine, de la Turquie, du Niger et de l’Inde le mentionnent. Deux pays (la Macédoine et Singapour) l’excluent ouvertement des solutions climatiques.

 

Le RAC-F publie avec les Amis de la Terre, la Fondation Heinrich Böll, France Nature Environnement, Greenpeace, le Réseau Sortir du Nucléaire et Wise Amsterdam, deux plaquettes et une étude rédigée par Wise-Paris

Toutes les informations sur ces publications : www.rac-f.org/Nucleaire-une-fausse-solution-pour-le-climat

 

 

[1] IRSN (2013) « Méthodologie appliquée par l’IRSN pour l’estimation des coûts d’accidents nucléaires en France »

[2] Selon les estimations de l’association de l’industrie nucléaire WNA

[3] http://blogs.mediapart.fr/blog/benjamin-dessus/261015/les-epr-d-hinkey-point-ruineux-pour-le-royaume-uni-et-la-france

[4] Intended Nationally Determined Contributions http://unfccc.int/focus/indc_portal/items/8766.php

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