28 octobre 2015
Début septembre, à 3 mois de la COP21, les associations du Réseau Action Climat ont annoncé 5 mesures, que le gouvernement doit adopter avant la COP21. Si des premiers pas ont été faits dans certains domaines, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
La France se veut exemplaire en vue de l’accueil de la COP21. Pourtant, dans le domaine des énergies renouvelables, elle est l’un des mauvais élèves au niveau européen en n’étant pas sur la bonne trajectoire pour respecter son objectif de 23 % d’énergies renouvelables en 2020. Il n’est pas trop tard pour agir et redresser la barre ! Pour cela, la France doit relancer les projets d’énergies renouvelables en fixant, dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) des objectifs cohérents avec les ambitions fixées. La trajectoire proposée dans la PPE devra être également compatible avec l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire en 2025. Enfin, la France doit se fixer un cap de 100 % d’énergies renouvelables pour 2050 et le transcrire dans un projet de loi.
Après avoir acté un report de la publication de la PPE en 2016, Ségolène Royal a annoncé récemment que les objectifs concernant les énergies renouvelables seraient annoncés avant la fin du mois d’octobre.
Des annonces cohérentes avec les objectifs fixés concernant le développement des énergies renouvelables seraient un signal fort, si elles s’accompagnent d’une vision plus globale : quelle évolution pour la consommation d’énergie et plus particulièrement d’électricité ? Quelle évolution pour le parc nucléaire ? Traiter ces sujets séparément risque d’amener des prévisions irréalistes et irréalisables : parc nucléaire non réduit, consommation d’électricité stable comme ces dernières années et renouvelables en hausse. L’équation ne tiendrait pas !
Selon le GIEC, plus de 80% des ressources fossiles connues doivent rester dans le sol si l’on veut limiter l’augmentation de la température de la planète en dessous de 2°C. Il est donc urgent de commencer par sortir rapidement du charbon, énergie fossile la plus émettrice de CO2. Pourtant la France continue de soutenir cette énergie extrêmement polluante. Les entreprises EDF et Engie, dont l’Etat français est actionnaire principal, possèdent encore 46 centrales à charbon dans le monde qui émettent chaque année plus de 151 millions de tonnes de C02 – soit près de la moitié des émissions de CO2 de la France. A la veille de la COP21, le gouvernement doit peser au sein d’EDF et d’Engie, en mettant fin à la construction de nouvelles centrales à charbon et en se prononçant pour la fermeture des centrales existantes d’ici à 2020.
– En septembre, le gouvernement a confirmé l’application immédiate de l’engagement de François Hollande, datant de fin 2014, de supprimer les soutiens publics de la France (via la Coface) aux centrales à charbon non munies d’un système de capture et de stockage de carbone opérationnel ;
– Après avoir annoncé son retrait de la centrale de Thabametsi en Afrique du Sud en juin dernier, Engie a annoncé que l’entreprise mettait fin à ses nouveaux investissements dans le charbon. Elle ne construira donc pas de nouvelles centrales à charbon.
Le gouvernement français doit :
– Se prononcer au sein d’EDF et d’Engie pour la publication d’ici la COP21 d’un plan de sortie du charbon de ces deux entreprises à l’horizon 2020, prenant en compte la reconversion des travailleurs du secteur. Les centrales existantes doivent être fermées, et non pas revendues. Les centrales à charbon les plus polluantes et les plus âgées doivent être fermées en priorité.
– Pousser EDF à s’engager dès maintenant à ne plus investir dans de nouveaux projets de centrales à charbon
– Mettre fin aux soutiens de la Coface aux mines de charbon et aux infrastructures liées à la production de charbon
Pour financer la solidarité internationale, la lutte contre les changements climatiques et les grandes pandémies, il est impératif de mobiliser des sources de financements prévisibles et publiques. La Taxe sur les Transactions financières permet à la fois de limiter la spéculation financière tout en répondant à ces grandes urgences mondiales. C’est pourquoi le projet commun de 11 pays européens d’adopter une TTF est déterminant. La France doit convaincre ses homologues d’adopter un projet de TTF qui taxe l’ensemble des produits financiers, avec un taux de taxation suffisamment ambitieux et dont 50% des recettes seraient ensuite reversées à ces enjeux.
Les députés français viennent de se mobiliser très fortement lors des débats budgétaires pour que la France se dote d’une véritable Taxe sur les transactions financières pour le Climat et le développement, un acte majeur qui reste à confirmer lors du vote final du budget en pleine COP21.
– Au terme d’un débat parlementaire intense, de 2h30, en présence du ministre Sapin, les députés de tous bords ont élargi la TTF aux transactions intra-journalières, notamment les transactions à haute fréquence, cette spéculation inutile réalisée à la milli-seconde par ordinateur. Toutefois, son application a été repoussée au 31 décembre 2016, cette mesure produira donc ses effets en 2017 avec un très grand potentiel de financement additionnel. Grâce à cet élargissement, la TTF pourrait rapporter entre deux et quatre milliards d’euros de plus par an (la TTF a rapporté actuellement 771 millions d’euros en 2014 et prévoit de rapporter près d’1 milliard d’euros en 2015).
Un des effets de la TTF sera également d’éliminer certaines opérations très spéculatives induisant un rendement moindre. La TTF a aussi cette utilité d’éteindre les mouvements spéculatifs outranciers néfastes à l’économie.
– Toujours très mobilisés en cette année de COP21, les député-e-s ont voté un amendement relevant de 25% à 50% l’affectation de la TTF à la lutte contre le changement climatique et au développement. Cet « amendement COP21 » des députés a été voté contre l’avis du gouvernement. S’il était confirmé jusqu’au vote final du budget il permettrait de dégager dès 2016 115 millions€ supplémentaires sous forme de don / adaptation au changement climatique.
Avec l’élargissement de l’assiette (1er amendement) et celui à +25% d’affectation (2ème amendement) la TTF, dès 2017 pourrait dégager entre 1,5 milliards d’euros à 2,5 milliards d’euros par an au profit de la solidarité internationale, la lutte contre le changement et les grandes pandémies. .
Ces deux amendements votés en Loi de finances sont cruciaux, il serait inconcevable que le gouvernement veuille y revenir dans la suite du débat budgétaire, au Sénat, ou plus encore en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, en pleine COP21.
Au niveau européen, la France défend maintenant officiellement une TTF sur toutes les transactions financières à la différence de l’année dernière mais pourrait privilégier des taux très bas. Par ailleurs, si la France s’est engagée à consacrer une partie des recettes de la TTF européenne à la solidarité internationale, la lutte contre le changement climatique et les grandes pandémies, les autres Chefs d’Etats, à l’exception de l’Espagne, n’ont pas encore pris position sur cette question.
Ne pas venir contrer la mobilisation des parlementaires en faveur de la lutte contre les effets du changement climatique, et s’abstenir de toute manœuvre visant à supprimer ces deux amendements, en particulier le relèvement de 25% de l’affectation de la TTF lors de la suite de la discussion budgétaire qui se clôturera en pleine COP21.
Annoncer au plus vite, avec ses homologues européens, l’affectation d’au moins 50% de la future taxe à la solidarité internationale, la lutte contre le changement climatique et les grandes pandémies.
Arriver à un accord d’ici la COP21 sur l’assiette, le taux et les recettes de la TTF. La réunion des ministres des finances du 11 novembre sera décisive à cet égard.
Pour réorienter les investissements dans les économies d’énergie et les énergies renouvelables, il est absolument nécessaire que le prix du carbone et de l’énergie augmente de manière progressive et prévisible dès aujourd’hui et que les niches fiscales aux énergies fossiles (gazole, transport routier de marchandises et transport aérien) soient supprimées. Enfin, redistribuer les recettes de manière équitable est indispensable pour emmener tout le monde dans la transition.
Le gouvernement s’est engagé à mettre fin à la niche fiscale du diesel, dont les effets sur la pollution de l’air et le budget de l’État ont été maintes fois dénoncés par le Réseau Action Climat. Des aides au changement de véhicule pour les ménages non imposables ont été annoncées mais leurs contours doivent encore être précisés.
Le Parlement a introduit dans la loi de transition énergétique une trajectoire élevant la composante carbone à un taux de 56 euros par tonne de CO2 en 2020 et 100 euros en 2030 mais les mesures concrètes qui traceront le chemin pour y arriver manquent cruellement à l’appel.
Le gouvernement doit introduire dans le collectif budgétaire une trajectoire d’augmentation sur au moins trois ans, comprenant une réévaluation du taux en 2016 à 32 euros la tonne de CO2 ; puis 39,50 euros la tonne en 2017 et enfin, 47 euros en 2018. C’est indispensable pour rejoindre progressivement l’objectif de la loi de transition énergétique.
Alors qu’une hausse de 1 centime sur le gazole en 2016 (comme cela a été décidé) ne se fera qu’à peine ressentir, baisser les taxes sur l’essence est incompréhensible à l’heure de la transition énergétique. Le rattrapage fiscal du gazole vers l’essence doit se faire par un alignement de taxe du gazole sur celle de l’essence.
Compte tenu de ses impacts sur les infrastructures, le climat et la pollution de l’air, mais aussi de l’abandon de la taxe poids lourds et du besoin de financement pour les transports durables, le transport routier de marchandises ne doit pas être exonéré ni de la future composante carbone ni être remboursé de taxe sur le gazole.
Des mesures d’accompagnement, pour les ménages en situation de précarité énergétique en particulier, doivent être mises en place d’urgence.
Les transports constituent le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre. Le potentiel des transports collectifs et des mobilités actives reste encore largement sous-utilisé. Il est grand temps pour le gouvernement d’apporter des alternatives au routier et à l’aérien en promouvant les modes de transports les moins polluants comme le vélo pour les courtes distances et le train pour les moyennes et longues distances.
Le gouvernement a annoncé la création d’une indemnité kilométrique vélo facultative de 25 centimes par kilomètre pour dédommager les salariés qui se rendent au travail à vélo. Si le montant de la prime est satisfaisant, plusieurs modalités doivent encore être précisées. En restant facultative, l’indemnité kilométrique vélo risque fort de se limiter à une opération de communication, sans effet sur l’utilisation du vélo.
Le décret, attendu pour les prochaines semaines, devra confirmer le caractère obligatoire de l’indemnité kilométrique vélo, conformément au texte de loi de transition énergétique et également prévoir son attribution aux fonctionnaires, en plus de l’exonérer de cotisations sociales. Par ailleurs, le développement d’infrastructures et de services vélo est indispensable pour encourager la pratique. Le Réseau Action Climat demande donc le lancement d’un appel à projet dédié pour soutenir les collectivités dans cette direction.
D’ici à la COP21, le gouvernement doit prendre un engagement fort en renonçant publiquement à supprimer des lignes et des dessertes de train Intercités et annoncer un renforcement du réseau ferroviaire. Cette étape est incontournable si l’on souhaite éviter la mort lente du train à l’heure où nous en avons fortement besoin pour lutter contre les changements climatiques.
Ce ne sont pas les ressources financières qui manquent mais la cohérence du gouvernement : l’abandon du projet d’aéroport de Notre Dame Des Landes pourrait permettre d’éviter un gâchis environnemental et financier.
Les actualités climat décryptées par le Réseau Action Climat