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ANALYSE

Alors qu’une sécheresse sans précédent sévit en Californie, Barack Obama détaille son nouveau plan pour le climat, le « America Clean Power Plan« . Après un long silence de la première puissance économique mondiale sur le climat, ce plan ancre-t-il le retour des États-Unis sur la scène climatique internationale, à quatre mois de la COP21 ?

Que contient ce plan ?

Le plan détaillé le 3 août 2015 par Barack Obama concerne le secteur de la production d’électricité, soit un tiers des émissions américaines de gaz à effet de serre. Avec ce plan, l’Agence fédérale de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency – EPA) estime que les émissions des centrales électriques baisseront de 32% à l’horizon 2030, par rapport aux niveaux de 2005. Ce plan est le principal volet du « Plan Climat », plus large, lancé par Obama à la suite de sa réélection. Le but de cette politique est de respecter les objectifs climatiques des États-Unis pour 2020 et 2030.

Le Plan Obama prévoit une réduction de 32% des émissions des centrales à l’horizon 2030, par rapport aux niveaux de 2005, et 28% d’énergies renouvelables dans la production électrique à même échéance.

Ce plan impose à chaque État américain un objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur de la production électrique. L’État pourra déterminer les mesures qu’il souhaite employer pour respecter cette obligation : fermeture des centrales les plus polluantes, marché carbone, énergies renouvelables, amélioration de l’efficacité énergétique, etc. D’ici 2016, il devra présenter au niveau fédéral un plan pour atteindre son objectif, et l’opérationnaliser avant 2022 (l’échéance initiale de 2020 a été repoussée). Si un État échoue à présenter et mettre en œuvre un tel plan, l’EPA pourra lui en imposer un.

Ce qui est intéressant, c’est que pour réduire les émissions de CO2 des centrales électriques, l’administration Obama mise sur la croissance des énergies renouvelables, qui devront atteindre 28% de la production d’électricité en 2030 (contre les 22% prévus initialement). Barack Obama met d’ailleurs l’accent sur les retombées économiques positives des renouvelables, pour alléger la facture énergétique des ménages américains, améliorer la pollution de l’air et créer de nouveaux emplois. À l’inverse, le plan n’encourage pas une relance des gaz de schiste, dont le bilan climatique demeure très mauvais.

Un plan solide et détaillé, mais très tardif

Cette mesure est sans doute la plus ambitieuse jamais adoptée outre-Altantique pour réduire les gaz à effet de serre. Elle vient à un moment opportun : il était en effet indispensable que les États-Unis s’engagent sur la réduction des gaz à effet de serre avant la grande conférence de Paris sur le climat et jouent le jeu des négociations internationales.

En outre, ce plan est solide car il est détaillé. Au travers de ce plan, les États-Unis nous disent clairement comment il vont réduire une partie de leurs gaz à effet de serre. Ce n’est pas le cas de tous les pays, à commencer par l’Union européenne : nous ignorons encore comment les objectifs de l’UE en matière d’énergies renouvelables ou d’économies d’énergie pour 2030 seront atteints. En France aussi, nous manquons de clarté : les modalités pour atteindre les objectifs de la nouvelle loi sur la transition énergétique sont extrêmement floues. Comment la France va-t-elle fermer des réacteurs nucléaires ? Il faudrait en fermer 5 d’ici 2018-2019 pour tenir les engagements de la loi. Comment la France va-t-elle respecter ses obligations européennes sur les renouvelables ? Il faudrait doubler le rythme de développement de ces énergies dès maintenant pour y arriver.

On peut toutefois reprocher à Barack Obama de ne pas avoir agi plus tôt sur la question climatique – dès son premier mandat et la Conférence de Copenhague en 2009. Il a mis du temps avant de prendre le problème à bras le corps, sans attendre les Républicains. Cela a accentué l’énorme retard des États-Unis dans l’action contre le changement climatique. Un retard que la planète paye cher aujourd’hui.

Cette annonce est-elle suffisante pour le climat ?

Certainement pas. Quand on regarde l’ampleur de la crise climatique, l’annonce du Président Obama sur la réduction des émissions des centrales électriques n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Il faudrait que les États-Unis fassent bien plus pour respecter les conditions détaillées par les scientifiques afin de contenir le réchauffement planétaire à moins de 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle.

La responsabilité historique des États-Unis vis-à-vis du changement climatique dépasse largement les efforts que l’administration Obama concède à faire aujourd’hui. Les États-Unis n’ont rien fait pour réduire leurs gaz à effet de serre pendant des décennies. Et par tête, un Américain émet encore 17 tonnes de CO2 par an en moyenne (chiffres 2011, Banque mondiale), contre 6,7 pour un Chinois et 1,7 pour un Indien !

La responsabilité historique des États-Unis vis-à-vis du changement climatique dépasse largement les efforts que l’administration Obama concède à faire aujourd’hui.

De plus, ce plan ne concerne que la baisse des gaz à effet de serre dans la production d’électricité. Les autres secteurs polluants (transports, agriculture, chauffage, industrie, etc.) n’en font pas partie et tous ne sont pas assujettis à des mesures de réduction des gaz à effet de serre en parallèle. Le transport aérien, par exemple, très développé outre-Atlantique, est pour l’instant libre de polluer. Le plan élude clairement la question du gaz (pour produire de l’électricité ou se chauffer) et du pétrole (dans les voitures).

Le début d’une action volontariste des États-Unis sur le climat ?

Reste que le Plan Obama est encourageant. Concrètement, il signifie aussi que les États-Unis sont en train de tourner le dos au charbon, la plus polluante des énergies fossiles, pour passer directement aux énergies renouvelables. S’attaquer à l’énergie la plus polluante – le charbon – et à l’industrie qui y est associée est un geste courageux de la part de l’administration Obama. Celle-ci fait preuve de cohérence, puisqu’elle avait déjà décidé en 2013 de mettre fin aux soutiens publics américains aux exportations de technologies de charbon à l’étranger. La France hésite encore à suivre les États-Unis sur ce point (lire un article à ce sujet).

Pour la préservation du climat, il est indispensable que les États-Unis rehaussent leur contribution nationale (ou engagement) annoncée pour la COP21. Le strict minimum d’ici novembre 2015 serait qu’ils confirment qu’ils visent le haut de leur engagement (26-28% de baisse de tous les gaz à effet de serre, tous secteurs confondus d’ici à 2025 par rapport à 2005). Il est également impératif que les Etats-Unis annoncent avant la COP21 leur contribution financière pour appuyer la transition énergétique et l’adaptation aux impacts du dérèglement climatique dans les pays en développement. Rappelons qu’en 2009, les pays industrialisés se sont engagés à atteindre, d’ici 2020, 100 milliards de dollars de financements publics et privés par an pour la lutte contre le changement climatique dans les pays du Sud. Aujourd’hui, rares sont les États qui ont expliqué comment ils allaient atteindre ce chiffre. Les États-Unis font partie des pays qui manquent à l’appel.

Le plan sera-t-il respecté ?

Barack Obama agit malgré l’opposition de son Congrès, majoritairement Républicain, souvent climatosceptique et hostile à toute mesure de réduction des gaz à effet de serre. Le Président utilise pour cela son pouvoir réglementaire et celui de l’EPA, qui peut désormais agir contre les émissions de CO2 en vertu du Clean Air Act (adopté 40 ans plus tôt) et d’un jugement de la Cour Suprême américaine de 2007 qui considère le CO2 comme polluant atmosphérique.

Si l’EPA peut faire respecter ce plan avec ses propres pouvoirs, la réalité économique dans de nombreux États américains pourra aussi aider. En effet, ce plan s’inscrit dans une tendance déjà existante au États-Unis et dans le monde : le marché mondial du charbon est en déclin, tandis que les énergies renouvelables sont en pleine explosion et deviennent plus compétitives que les énergies fossiles ou fissiles. Au États-Unis, 200 centrales au charbon ont déjà fermé ; et le coût de l’éolien a été divisé par deux depuis 2009. Les investisseurs n’ont pas attendu ce plan pour commencer à développer l’éolien ou le solaire aux États-Unis. Et la moitié des États du pays sont déjà sur la bonne voie pour atteindre leurs objectifs sur les émissions de la production électrique.

Mais ce plan résistera-t-il à l’opposition républicaine ? Hillary Clinton a déjà indiqué qu’elle l’appliquera si elle est élue pour le camp démocrate à la présidentielle de 2016. Mais des difficultés risquent de se poser en cas d’alternance, si les Républicains l’emportent à la présidentielle : ils pourraient faire preuve de laxisme envers les États récalcitrants. Notamment les 5 principaux États producteurs de charbon, dont les élus ont critiqué avec véhémence le Plan Obama sur le climat.

Pourquoi ce Plan Obama maintenant ?

Ce n’est pas la COP21 qui motive en priorité Barack Obama, même si elle agit comme un catalyseur. En réalité, le président américain a plusieurs fois indiqué qu’il voulait laisser un héritage politique sur la question du climat. A quelques mois de la fin de son dernier mandat, il ne lui restait plus beaucoup de temps pour le faire.

Le Président répond aussi à une inquiétude grandissante de l’opinion publique américaine, qui subit déjà les impacts des changements climatiques. Les évènement extrêmes comme les ouragans Katrina, Sandy, ou encore la sécheresse grave en Californie ont progressivement transformé l’opinion publique du pays. D’après l’enquête mondiale World Wide Views (réaliséee juin 2015), 70% des Américains interrogée étaient sensible à la question climatique.

L’administration américaine observe aussi depuis longtemps ce que fait la Chine avant de prendre toute décision sur le climat. Or, dans le contexte actuel, Barack Obama est rassuré par l’accord conclu entre son gouvernement et Pékin en novembre 2014, accord qu’il a aidé à forger. Ce texte est une sorte de « pacte de non agression climatique » entre les deux géants économiques mondiaux. D’ailleurs, le plan Obama sur les centrales électriques s’inscrit totalement dans le cadre de cet accord sino-américain.

Enfin, ce plan intervient à un moment politique clé au États-Unis : le lancement de la campagne électorale pour la présidentielle américaine. Parce que cette décision de l’administration Obama porte sur le climat, elle est l’occasion de marquer la différence entre les démocrates d’un côté, du clan républicain de l’autre. Les candidats républicains, largement financés par l’industrie charbonnière et fossile, se voient obligés de critiquer sans vergogne ce plan Obama, au risque de se mettre à dos une grande partie de l’électorat qui subit déjà d’importants aléas climatiques et souffre de la pollution de l’air.

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