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L’Afrique compte 15 des 20 pays les plus vulnérables face à la crise climatique. Les changements climatiques sont déjà visibles : sécheresses plus longues et plus intenses, inondations imprévisibles, érosion côtière. A la crise climatique s’ajoute une crise énergétique : en 2014, plus de 625 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’ont pas accès à l’électricité, soit 2/3 de la population. Par ailleurs, 600 000 personnes meurent chaque année à cause des fumées du bois de feu pour la cuisson. Plus que jamais, l’Afrique a besoin d’un soutien international pour enclencher une transition énergétique vers les énergies renouvelables accessibles à tous et se protéger des impacts dévastateurs du changement climatique.

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Ce matin, un sommet rassemblant 12 chefs d’État africains, banques de développement, les États-Unis, l’Allemagne et la France a permis de consolider et financer plusieurs initiatives africaines sur l’accès aux énergies renouvelables, l’adaptation des pratiques agricoles et la lutte contre la désertification : trois enjeux clé pour le continent africain.

Quelles sont ces initiatives africaines ?

1/ L’initiative sur les énergies renouvelables en Africaine. En germe depuis le début de l’année, identifiée depuis le G7 en juin 2015, l’initiative vise à investir massivement dans les énergies renouvelables en Afrique. Plus précisément, elle se fixe pour objectif d’installer 10 Gigawatt de production d’électricité renouvelable d’ici 2020 et 300 Gigawatt d’ici 2030. Ce qui représente un doublement de la production électrique (pas seulement renouvelable !) en Afrique par rapport à 2015 ! L’objectif est ambitieux mais représente une opportunité formidable pour l’Afrique d’exploiter massivement son potentiel en énergies renouvelables, d’apporter l’électricité dans les zones les plus reculées et enclavées du continent à un prix abordable, de renforcer son indépendance énergétique et de créer des dizaines de milliers d’emplois pour la jeunesse africaine.

Depuis aujourd’hui, l’initiative fait l’objet d’engagements financiers : les Etats-Unis, la Banque africaine de développement, la Banque Mondiale, l’Allemagne se sont engagés à la financer mais sans préciser de montant. La France a annoncé qu’elle y consacrerait 2 milliards d’euros entre 2016 et 2020. Selon le communiqué de l’Elysée, cela représente une augmentation de 50% des engagements de la France par rapport aux cinq dernières années et permettra de financer 20% de l’objectif fixé pour 2020.

2/ Adaptation des pratiques agricoles et lutte contre la désertification. Le sommet a fait le tour d’un ensemble de projets d’adaptation clé pour lutter contre le stress hydrique, contre les baisses de rendements agricoles, contre l’assèchement du Lac Tchad, contre la désertification rampante. Les pays bailleurs se sont engagés à soutenir des projets d’irrigation, de reboisement, de retenues d’eau, et de développement aux pratiques agri. La France a annoncé qu’elle triplerait ses financements par an destinés à l’adaptation pour l’Afrique, atteignant ainsi 1 milliard d’euros par an. 30 millions seront plus précisément consacrés à la Grande muraille Verte qui doit agir comme rempart boisée contre l’avancée rapide du désert.

Les financements climat de la France : un certain décalage entre le discours et les actes

La France est le seul pays bailleur ce matin à avoir précisé ses engagements financiers. En revanche, ces engagements méritent quelques éléments d’analyse.

Premièrement, il ne s’agit pas de nouveaux engagements mais d’une concrétisation des engagements pris par François Hollande à l’AGNU en septembre d’accroître l’aide publique au développement de 4 milliards d’euros d’ici 2020. Sur ces 4 milliards, Hollande a précisé que 2 milliards d’euros serait consacrés à lutter contre les changements climatiques. Permettant ainsi de passer de 3 milliards d’euros pour le climat en 2015 à 5 milliards d’euros en 2020, quasiment uniquement sous forme de prêts. Par ailleurs, il s’est engagé à décaisser 370 millions d’euros supplémentaires pour l’adaptation sous forme de dons. Cet engagement répond au déficit de financements français pour l’adaptation (seulement 16% des financements climat en 2014).

Aujourd’hui, François Hollande a en réalité expliqué que dans ce cadre, sur les 4 prochaines année, un total de 2 milliards d’euros sera investi dans l’initiative pour les énergies renouvelables et que la France visait à progressivement augmenter ses financements pour l’adaptation pour atteindre 1 milliard d’euro par an en 2020.

Deuxièmement, une part minime de cet engagement sera en réalité déboursée sous forme de dons. Aujourd’hui, l’AFD débourse seulement environ 100 millions d’euros sous forme de dons pour l’adaptation. Un calcul rapide démontre que le 1 milliard par an promis pour l’adaptation sera majoritairement décaissé sous forme de prêt. Pour rappel, en 2014, les dons représentaient seulement 7 % des financements climat français, soit 190 millions d’euros et la France octroyé 82 % de prêts au titre de ses financements climat. Cette stratégie n’est pas viable à partir du moment où la France dit vouloir accroître son soutien aux projets d’adaptation qui nécessitent en priorité des dons : les projets d’adaptation sont trop rarement rentables et ne permettent pas aux pays bénéficiaires de rembourser le prêt, d’autant plus qu’ils sont déjà lourdement endettés.

Troisièmement, ces grandes promesses demandent encore à être vérifiées. Malgré ces annonces retentissantes au niveau international en septembre, le Gouvernement a présenté un projet de loi finances amputant le budget de l’aide publique au développement de 177 millions d’euros, soit une baisse de 6 % par rapport à 2015. Par ailleurs, le 13 novembre, une coupe supplémentaire était introduite par le Gouvernement. Comparé au budget 2015, les crédits d’aide au développement pourraient donc baisser de 290 millions d’euros en 2016, si le budget était adopté en l’état. C’est autant de moins pour les pays les plus pauvres, pour des programmes de lutte contre la pauvreté, de soutien aux services publics ou d’adaptation aux conséquences du changement climatique. 2016 pourrait ainsi être la cinquième année consécutive de baisse de l’aide au développement, à contre-courant des annonces présidentielles et en totale déconnexion avec les enjeux globaux et urgents de lutte contre la pauvreté et contre le changement climatique.

Le projet de loi de finance 2016, le moment qui peut changer la donne en renforçant la taxe sur les transactions financières.

Le projet de loi de finance pour 2016 est actuellement en 2ème passage à l’Assemblée Nationale.

 

Deux amendements structurants ont été proposés par les député-e-s, visant à modifier l’assiette et le niveau d’affectation de la taxe sur les transactions financières, afin qu’elle génère plus de recettes et que 50% soient affectées à la lutte contre les dérèglements climatiques et à la solidarité internationale. Si ces amendements étaient confirmés, ils permettraient de :

Le projet de loi de finance sera sûrement définitivement adopté en plein milieu de la COP : le moment où jamais que la France mette en cohérence ses discours et ses actes afin de tenir ses promesses auprès des Etats aux premières lignes de la crise climatique.

 

Pour en savoir plus : https://www.oxfamfrance.org/rapports/financement-developpement/financements-ladaptation-bilan-decevant-pour-france-quelques

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