VISUEL article 3 (couv) (c) EMMA CASSIDY

Du côté des négociations climatiques

Un accord international qui se précise, mais qui reste insuffisant

 Vendredi matin, deux nouveaux brouillons de l’accord sur le climat ont été publiés. L’un résumant l’état des discussions entre les 195 États. L’autre, plus succinct, est composé de propositions de compromis rédigées par les « facilitateurs », c’est-à-dire les diplomates chargés de conduire les tractations sur des points précis du texte. Dans ce second texte, le nombre d’options encore ouvertes a été fortement réduit (passant de 250 à 150 environ), de même que le nombre de pages (de 50 à 38). Ce travail a également permis de clarifier certains points clés, notamment concernant les engagements des pays, l’adaptation des pays les plus vulnérables aux impacts des changements climatiques et les pertes et dommages irréversibles. Ce nouveau projet d’accord sera encore révisé et servira de base pour les négociations à venir.

Une nuit blanche en perspective pour les négociateurs. La première semaine de négociations n’est pas tout à fait terminée, puisque le projet d’accord doit être remis à la France qui préside la COP21, et aux ministres samedi à midi, avant de commencer de nouvelles tractations. Il reste énormément de travail aux négociateurs techniques, qui doivent laisser à leurs ministres un texte clair à la fois sur la forme et sur le fond. Mais à quelques heures du sifflet final pour la première semaine, on peut être sûr que les ministres auront du pain sur la planche. Le point le plus clair vendredi, prêt à être arbitré par les ministres, est celui du cap de long terme que l’accord de Paris fixera pour la planète : les quelques options sont clairement posées sur la table.

Les ministres, qui négocieront la deuxième semaine, devront trancher entre les « options » et éliminer les « crochets ». C’est vrai, par exemple, pour la question essentielle des financements climatiques (article 6 du projet d’accord). Cette question doit progresser dans les 15 prochaines heures, pour que le flambeau puisse être transmis aux ministres. Plus généralement, les ministres devront décider comment retranscrire dans l’accord international la question de la « différentiation » des efforts entre les pays. Cette dernière renvoie à une idée présente dans la Convention Climat : les pays ont des “responsabilités communes mais différenciées” vis-à-vis de la lutte contre le changement climatique. S’il est important de prendre en compte le fait que le monde a bien changé depuis la naissance de la Convention de l’ONU sur le climat en 1992, force est aussi de constater que les inégalités persistent. D’après Oxfam (2015), un Américain parmi la moitié la plus pauvre de la population de son pays génère en moyenne vingt fois plus d’émissions que son pendant indien.

La scission entre Nord et Sud est encore très nette. Les pays développés demeurent campés sur leurs positions sur l’adaptation, des financements, des pertes et dommages irréversibles. La confiance entre pays est proche de zéro. Pour avancer sur tous les sujets de l’accord, il est impératif qu’un dialogue constructif s’instaure entre pays développés et G77+Chine (coalition de 134 pays en développement). L’Union européenne pourrait notamment jouer un rôle plus important dans ce dialogue, en proposant des compromis ambitieux sur la question des pertes et dommages irréversibles liés aux changements climatiques. Vendredi soir, l’Europe semblait plus constructive.

Sur certains points, les divergences profondes commencent toutefois à s’estomper. Par exemple : la révision à la hausse des engagements des États, tous les cinq ans. L’Inde, poids lourd des négociations, semble accepter ce principe, à condition que cette hausse ne soit pas obligatoire.

L’un des plus mauvais élèves de la négociation climatique reste l’Arabie Saoudite. Celle-ci bloque sur de très nombreux points : la possibilité d’une limite de réchauffement planétaire inférieure à +1,5°C, la révision des engagements des États avant 2020, la référence au respect des droits humains, la réorientation des investissements vers la transition énergétique. Vendredi après-midi, le président de la COP21 Laurent Fabius a rappelé à la presse l’importance de garder le seuil de 1,5 °C de réchauffement.

(c) EMMA CASSIDY

En cette journée focalisée sur la finance, Al Gore s’est exprimé sur le risque carbone. (c) EMMA CASSIDY

Les grands pollueurs industriels infiltrent l’Agenda des Solutions

Les grands pollueurs industriels ont réussi à s’introduire dans l’agenda de l’action de la COP21, aussi appelé Agenda des Solutions ou LPAA. La COP21 fait d’ores et déjà l’objet des tentatives d’influence des pollueurs industriels : le 12 novembre dernier, le Réseau Action Climat le faisait déjà remarquer dans une lettre ouverte à François Hollande co-signée par de nombreuses ONG, syndicats et mouvements sociaux français.

En particulier, l’inclusion du « Partenariat Pétrole et Gaz sur le Méthane » (qui vise à réduire les fuites de méthane de l’industrie gazière et pétrolière) dans l’Agenda des solutions serait très mauvais signal. La COP21 doit valoriser les solutions d’avenir et la transition énergétique vers le 100% énergies renouvelables. Il faut exclure dès maintenant les initiatives qui perpétuent notre dépendance aux énergies fossiles si nous souhaitons que ce Agenda soit ambitieux et cohérent avec l’objectif visé par la COP21. Une inquiétude entendue par Ségolène Royal qui a défendu l’exclusion de ces acteurs des fossiles auprès des partenaires internationaux de la France, et a réaffirmé cette position à la presse vendredi après-midi.

Une action réclamait ce matin au Bourget une COP21 sans grands pollueurs. (c) JOEL LUKHOVI

Les maires du monde pour le 100% renouvelables

Parmi les actualités du jour : en marge de la COP21, des maires et élus locaux, représentant plus de 600 millions de personnes, se sont prononcés en faveur d’un cap de 100% d’énergies renouvelables. Cet horizon devient désormais une réalité incontournable. La transition énergétique a bien lieu aujourd’hui dans les territoires, et l’accord international qui sortira de la COP21 doit s’aligner sur cet état de fait.

Cette déclaration a eu lieu dans le cadre d’un sommet sur le climat de 700 maires de grandes villes du monde, réunis à Paris. Alors que 80% de la population mondiale pourrait vivre en zone urbaine d’ici à 2050 et que ces zones urbaines concentrent 70% des émissions de émissions de CO2, il est capital que les grandes villes du monde s’engagent pour le climat.

A l’approche des régionales en France, n’oublions pas que le climat ne pourra pas être sauvé sans des politiques locales ambitieuses. Pour plus de détails, lisez notre dossier de presse : face aux défis climatiques, que peuvent les régions ?

Comment la finance peut contribuer à la lutte pour le climat ?

Il faut en finir finir avec le financement public des énergies fossiles

Une analyse publiée hier par l’ONG Oil Change International (cf. infographie ci-dessous) montre que dans 8 pays, les subventions aux énergies fossiles sont 40 fois plus élevées que les engagements pour le Fonds Vert. Ainsi, Australie, Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni et États-Unis ont offert 80 milliards de dollars pour soutenir la production d’énergies fossiles.

La présence de grands pollueurs à la COP21 sonne également comme un rappel à l’ordre pour ces pays. Les pays riches mobilisent aujourd’hui beaucoup plus de fonds pour subventionner les secteurs du charbon et du pétrole que pour aider les pays pauvres et vulnérables à s’adapter au changement climatique.

oil change infographie

G7 et Australie : 80 milliards pour la production d’énergies fossiles, 2 milliards pour le Fonds Vert.

La finance privée au service du climat ?

Les pays développés s’abritent derrière le secteur privé et ne tiennent pas leurs promesses de financements pour les pays du Sud, en particulier les financements publics nécessaires pour permettre aux pays pauvres et vulnérables de s’adapter aux conséquences des dérèglements climatiques.

Si ce recours aux financements privés continue d’être une idée fixe, des millions de personnes vivant dans les pays les plus pauvres, les plus touchés et les plus vulnérables aux impacts des changements climatiques risquent de se retrouver sans aucune aide face à un climat imprévisible et des évènements extrêmes de plus en plus graves et de plus en plus fréquents. 

L’urgence d’une taxe élargie sur les transactions financières

Les changements climatiques creusent l’écart entre les riches et les pauvres et peuvent réduire à néant les efforts menés jusqu’à présent pour lutter contre la pauvreté. En 2050, on pourrait compter 200 millions de réfugiés climatiques par an si rien n’est fait. Il est donc urgent de donner aux pays les plus démunis et les plus touchés les moyens de s’adapter.

Une taxe ambitieuse sur les transactions financières est nécessaire pour générer les financements additionnels nécessaires à cette adaptation. La France doit convaincre ses homologues d’adopter un projet de TTF qui taxe l’ensemble des produits financiers, avec un taux de taxation suffisamment ambitieux et dont 50% des recettes seraient ensuite reversés aux grandes urgences mondiales. Il est également essentiel que cette taxe soit élargie aux opérations financières dites “intra-day”, c’est à dire aux opérations de spéculation qui ont lieu dans la journée.

Et en France ?

La France continue d’encourager les subventions fossiles.

Hier, la délégation de la jeunesse canadienne a réclamé à être entendu sur la question des subventions aux énergies fossiles. (c) EMMA CASSIDY

Hier, la délégation de la jeunesse canadienne a réclamé à être entendue sur la question des subventions aux énergies fossiles. (c) EMMA CASSIDY

 

Lors d’une conférence de la COP21 dédiée aux subventions aux énergies fossiles, le ministre Michel Sapin aurait déclaré de “Même si la France a éliminé ses subventions directes aux énergies fossiles, il y a beaucoup d’argent dépensé dans le monde pour celles-ci, alors qu’il y a tant de besoin pour les énergies alternatives”.

Michel Sapin semble oublier le remboursement de taxe diesel aux transporteurs routiers alors qu’ils ont déjà saboté l’écotaxe, l’exonération totale de taxe pour le transport aérien, l’exonération de TICPE pour les raffineries,  les subventions directes aux aéroports, les aides aux stations-service.

Ces cadeaux fiscaux sont pourtant loin d’être le meilleur moyen d’accompagner ces secteurs dans la transition énergétique et pèsent des milliards d’euros chaque année pour le budget français.

Pendant ce temps là, la taxe sur les transactions financières est débattue au Parlement français : le Sénat a supprimé l’article introduit par l’Assemblée Nationale visant à élargir le champ d’application de la Taxe sur les Transactions Financières (TTF) à ces opérations intra-day. Dans le même temps, le Projet de loi Finances montre que l’Aide Publique au Développement est toujours en baisse.

 

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