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Fin du charbon en Grande-Bretagne : une première mondiale, dans le berceau de la révolution industrielle

A 12 jours de la COP21, le Royaume Uni s’est engagé à fermer toutes ses centrales à charbon d’ici 2025, avec un ralentissement des centrales thermiques à partir de 2023 (exception faite des centrales possédant un dispositif de capture et de stockage du carbone). Le Royaume-Uni sera ainsi le pays industrialisé à sortir de la forme la plus sale de production d’énergie. Le déclin mondial du charbon se confirme donc là où son utilisation a débuté, au XIXe siècle. Cela montre qu’il est possible, économiquement et politiquement, de se débarrasser rapidement du charbon, même dans un pays qui en possède d’abondantes réserves. D’un point de vue européen, cette nouvelle marque la disparition du plus vieux parc de centrales à charbon du continent, qui occupait la 3ème place du podium en termes de pollution.

La fin des mines et centrales thermiques au charbon est depuis longtemps l’objet d’une bataille politique et de la société civile au Royaume-Uni. Au cours de la dernière campagne pour les élections nationales de mai 2015, l’ensemble des partis politiques, dont les Conservateurs, s’était engagé à mettre fin aux centrales à charbon. Cet engagement est donc confirmé.

Par cette décision, le Premier Ministre David Cameron veut pouvoir dire, à la Conférence des Nations unies sur le climat de Paris, que son pays est exemplaire dans la lutte contre le changement climatique.

Les scientifiques du GIEC et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sont formels : pour limiter le réchauffement planétaire en deçà de 2°C, il faut abandonner très rapidement le charbon au niveau mondial et en laisser plus de 80% des réserves connues dans les sous-sols. L’AIE précise en outre que limiter la hausse de la température du globe en-dessous des 2°C nécessite non seulement de ne plus construire de nouvelle centrale à charbon mais aussi de fermer les deux tiers du parc existant d’ici 2035.

L’ensemble des pays du Groupe des 7 (G7) doit impérativement prendre le pas du Royaume-Uni et engager une sortie du rapide du charbon. Tous ces pays sont encore dépendants du charbon, comme le montre un rapport récent du think tank E3G. En France, il reste quelques centrales thermiques, mais le plus inquiétant est l’énorme parc de centrales au charbon détenue

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Une politique énergétique anti-renouvelables

Le futur de la politique énergétique au Royaume-Uni reste toutefois très contestable au regard de l’urgence climatique. A y regarder de plus près, la décision sur la sortie du charbon relègue la nécessaire transition vers les énergies renouvelables et la sobriété énergétique au second plan…

Pour assurer la sécurité énergétique du pays, principal objectif mis en avant (plutôt que la lutte contre le changement climatique) le gouvernement britannique entend développer le gaz et le nucléaire. Il prévoit d’accorder plus de subventions aux groupes pétroliers et gaziers, qui forent dans la mer du Nord, et favoriser la fracturation hydraulique. Il est également prêt à injecter beaucoup d’argent dans une énergie nucléaire coûteuse et risqué : les deux réacteurs nucléaires de type EPR qu’EDF (avec l’entreprise chinoise CGN) doit mettre en service dans le sud-ouest de l’Angleterre (en 2025), constituent le coeur de la réponse du gouvernement aux préoccupations énergétiques. En parallèle, la ministre britannique du climat et de l’énergie a annoncé la fin des aides publiques aux renouvelables, qui se retrouvent doublement désavantagées. La ministre a reconnu que son pays ne sera pas en mesure de respecter ses objectifs européens sur les énergies renouvelables à horizon 2020.

Or, résoudre l’équation climatique suppose d’abord de sortir des énergies fossiles, ce qui est rendu possible par les économies d’énergie (efficacité, sobriété énergétiques) et le développement massif des énergies renouvelables.

Nette diminution de l’utilisation du charbon dans le monde en 2015

Cette annonce du gouvernement britannique est emblématique du déclin que connaît le marché mondial du charbon. En effet, l’utilisation de charbon a connu une diminution record dans le monde en 2015. Même les efforts désespérés des industriels du charbon pour valoriser cette source d’énergie rencontrent aujourd’hui peu de succès, sauf dans quelques pays comme l’Australie, la Turquie ou le Japon.

La responsabilité de cette baisse drastique peut être attribuée à plusieurs causes, toutes connectées au développement des énergies renouvelables. D’abord, les mesures de lutte contre la pollution de l’air en Chine, et l’accent mis sur le développement des énergies renouvelables dans le pays, a une conséquence directe sur le niveau mondial de la consommation de charbon, ce pays en étant le premier consommateur mondial. Aux États-Unis, le plan national de fermeture des centrales thermiques au charbon est également bien engagé. Ces centrales sont remplacées par de l’éolien et du solaires, et des centrales à gaz. Enfin, le Royaume-Uni a connu la plus forte baisse de la consommation de charbon : -16%.

Fin des soutiens publics au charbon : des avancées insuffisantes au regard de l’urgence climatique

Le 15 novembre, à Antalya en Turquie, les pays du G20 ont manqué une occasion sans précédent d’avancer concrètement sur la fin des subventions aux combustibles fossiles émettrices de gaz à effet de serre, dont le charbon. Ils se sont limités à réitérer leurs engagements, pris il y a 6 ans, fermant ainsi les yeux sur l’incohérence profonde que constituent les dizaines de milliards de dollars de subventions publiques affectés aux énergies fossiles, comme le charbon, alors que ces même pays prétendent vouloir stabiliser le réchauffement. Les énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre continuent de recevoir 10 millions d’euros par minute (http://www.euractiv.fr/sections/energie/les-energies-fossiles-recoivent-10-millions-deuros-de-subvention-par-minute-314722).

Le 17 novembre, une réunion à l’OCDE a abouti sur quelques avancées concernant la redirection des soutiens publics aux exportations de centrales à charbon, après deux ans d’une négociation qui semblait laisser peu d’espoir. L’accord finalement trouvé limite le financement des pires centrales au charbon, presque partout dans le monde. Cependant, il ignore totalement la question des centrales dites « ultra supercritiques » (dont l’efficacité énergétique est meilleure), principalement à cause de pays extrêmement conservateurs comme la Corée du Sud et l’Australie. Quant à la France, elle a voulu redresser la barre, puisqu’elle a mis fin à l’ensemble de ses soutiens publics aux exportations des centrales à charbon.

Ce qu’il reste à faire en France

Pour être crédible auprès de ses partenaires internationaux, la France doit prendre des mesures exemplaires au niveau national. La sortie rapide du charbon est à cet égard une priorité. Or l’Etat français continue de soutenir cette source de pollution. Les entreprises énergétiques comme Engie et EDF, dont il est actionnaire principal, possèdent encore 46 centrales au charbon dans le monde et prévoient d’en construire plus. L’annonce, à la COP21, d’une sortie du charbon de ces deux entreprises, à horizon 2020, viendrait renforcer la probabilité d’atteindre un cap de 100% d’énergies renouvelables d’ici à 2050.

 

Retrouvez notre dossier sur les 5 mesures que la France doit adopter ici.

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